Justice et sauvegarde de la Création

Justice et sauvegarde de la Création

Pour le deuxième article de notre série sur la sauvegarde de la création, je vous propose de faire un petit détour sur ce que nous disait ce grand penseur protestant du nom de Jacques Ellul, il y a plus de 40 ans déjà, alors que nous ne parlions pas encore de réchauffement climatique.

Dans les années 70, Jacques ELLUL dénonce le culte voué à la technique. Il ne conteste pas les progrès réalisés dans bien des domaines grâce à la technique, mais il s’élève contre une utilisation de la technique sans esprit critique. Il évoque un emballement, une dévotion quasi religieuse qui amène l’homme moderne à penser que la technique ne peut qu’améliorer sa vie et le conduire vers le meilleur des mondes. Il affirme que la technique est devenue une fin en soi et non plus un simple moyen. La technique, c’est­-à-­dire tout ce qui augmente notre pouvoir d’agir sur le monde, tout ce qui décuple notre puissance, est bienvenue, quelque soit
l’issue. Ce comportement est irrationnel, car en bonne logique, ce n’est qu’après avoir défini le but recherché, que l’on peut ensuite réfléchir aux moyens. Or là, l’ordre est inversé, et ce sont les moyens techniques, que nous acquérons au fil de nos recherches, qui déterminent notre destinée, en vertu de la loi de Gabor qui énonce que « tout ce qui peut être techniquement réalisé, le sera nécessairement ». Autrement dit c’est notre désir de toute puissance qui est exalté. C’est la voix du serpent mis en scène dans le récit du jardin d’Eden (en Genèse 2 et 3) qui l’emporte, contre toute rationalité.

Ainsi, Jacques ELLUL appelle les chrétiens à promouvoir un style de vie nouveau en rupture avec ce fonctionnement. Il ne s’agit pas de renoncer à toute technologie, mais de poser la question du but que nous poursuivons avant tout investissement technologique. Quelle société voulons-­nous ? Quelle planète espérons-nous pour nous­-mêmes et les générations futures ?
Jacques ELLUL était d’une grande lucidité pour pouvoir affirmer il y a plus de 40 ans, « Il ne peut y avoir de croissance infinie dans un monde fini », car aujourd’hui, nous touchons du doigt cette réalité ; nous expérimentons une incompatibilité irréductible entre notre fonctionnement actuel et l’avenir de la planète. Jacques ELLUL a été un précurseur de l’écologie, en appelant ses contemporains à s’adonner à la contemplation plutôt que de tomber dans un activisme effréné, ou une consommation débridée.

Le synode national de notre Église, réuni en mai dernier, a justement réfléchi sur ce thème et adopté une résolution intitulée « Écologie, quelles conversions ? ». Cette déclaration appelle à un changement de modèle économique vers une vie sobre et moins prédatrice de l’environnement.

Elle interpelle les pouvoirs publics comme l’ensemble des paroisses, comme chaque chrétien individuellement, à une conversion de leur mode de vie et à développer la solidarité avec les victimes des changements climatiques ou des guerres, notamment les personnes migrantes.

Elle appelle chacun à mettre au cœur de ses réflexions la question de son rapport au vivant.
A cet égard, le récit de la création en genèse 2 et 3, est une précieuse source d’inspiration.

En effet, Dieu forme le projet que l’humain soit en premier lieu un être en relation, lorsqu’il s’exclame ; « il n’est pas bon que l’humain soit seul ». Ainsi l’humain sera appelé à découvrir des compagnons et des partenaires dans les autres humains qu’il va rencontrer sur son chemin. Ainsi, il va s’émerveiller et se réjouir devant celui ou celle qui sera la chair de sa chair. Il va s’émerveiller devant les vivants, animaux ou végétaux. L’humain n’est
donc pas conçu par Dieu comme un solitaire imbu de pouvoir et prédateur. Il est appelé à vivre en relation, et donc dans le respect et la contemplation du monde des vivants. Ainsi, Dieu lui confie la mission de garder et cultiver, c’est­-à-­dire, prendre soin de tous les vivants.

Pasteur Christian Bouzy

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